Brigitte Palisson nous a quittés…

NOKIA Lumia 610 NFC_000312 (2)Brigitte Palisson, guitariste et professeur au conservatoire du Mans, nous a quittés il y a un peu plus de deux mois maintenant, le 11 mars 2015. Elle est partie au terme d’un long combat contre la maladie, qu’elle aura mené avec courage et discrétion, sans jamais se plaindre. Elle s’est envolée dans la sérénité, en harmonie avec la philosophie qu’elle vivait intimement depuis plusieurs années.

J’ai eu le privilège de connaître Brigitte voilà dix ans déjà. J’espère pouvoir dire que nous avions tissé des liens d’amitié au cours de ces dernières années.

Sa personnalité ne pouvait laisser indifférent, car elle faisait partie de cette catégorie rare de personnes entières qui assumaient leurs convictions. Et ces convictions étaient fortes ! Brigitte n’aimait pas les compromis tièdes, et elle n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait…ce qui pouvait parfois créer certaines tensions ! Mais le respect est toujours présent entre personnes de caractères entiers qui vivent et défendent leur point de vue avec passion.

le duo Hélias-Palisson

le duo Hélias-Palisson

Brigitte avait eu un parcours artistique tout à fait atypique, abordant la guitare classique par des chemins de traverse et relativement tardivement. Elle a cependant réalisé un magnifique parcours : école normale avec Alberto Ponce, obtention du très difficile certificat d’Aptitude et du concours de PEA, riche carrière artistique.

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Les quatre guitares, disque de 1997

Que ce soit en duo de guitares avec Charles-Henry Benéteau, au sein du quatuor « les quatre quitares » (en association avec Josiane et Philippe Spinozi et Charles Henry Benéteau, disque édité en 1997), Brigitte aura toujours recherché les rencontres artistiques, y compris atypiques, comme en témoigne  le duo avec le piano d’Anne Hélias qu’elle forma par la suite (en enregistrement du CD : de Vienne à Buenos-Aires).

Brigitte était ainsi une personnalité artistique très complète, la peinture étant son autre passion. Celle-ci lui apportait la sérénité. Elle était heureuse d’avoir pu emménager dernièrement dans une maison qui lui offrait une belle lumière et des bonnes conditions pour pourvoir s’y consacrer pleinement.

Il ne faut pas oublier que ce type de parcours, peut-être difficilement concevable aujourd’hui, permet aux établissements d’enseignement artistique de bénéficier de personnalités hors du commun, ayant un grand recul sur leur activité professionnelle.

Brigitte était également un compositeur de grand talent. Le public présent ce soir-là se souvient avec une grande émotion de la création de sa pièce Quartz-tango au théâtre municipal du Mans, interprétée à la guitare par Anthony Chudeau (en 2007 si ma mémoire est bonne). L’ovation finale justifiée qu’elle avait reçue l’avait alors beaucoup émue. De manière moins spectaculaire, elle composait de charmantes petites pièces pour ses élèves, qui alliaient clarté harmonique, élégance mélodique et efficacité pédagogique.

En tant que collègue, l’ayant remplacée à deux reprises et travaillant sur le même secteur, je peux témoigner de la très grande qualité et profondeur de son enseignement. Ses élèves avaient en effet des bases techniques et musicales extrêmement solides. Ses options pédagogiques étaient originales, mais redoutablement efficaces. Ainsi, les élèves débutaient fréquemment en position haute, en cinquième et septième position par exemple, jouant très rapidement des compositions originales de Brigitte qu’elle accompagnait à la guitare lors des auditions.

Brigitte Palisson en 2011 au festival de guitare du Mans

Brigitte Palisson en 2011 au festival de guitare du Mans

Brigitte était très exigeante sur certains aspects : précision  rythmique, interprétation, position notamment. Cela donnait en audition et aux examens des prestations étonnantes de la part d’élèves n’ayant alors qu’un ou deux ans de guitare. Je sais d’ailleurs que Brigitte avait le souhait de diffuser ces options pédagogiques en publiant une méthode, et elle déplorait parfois de ne pas avoir la disponibilité pour pouvoir s’y consacrer suffisamment.

Parfois, fidèle à ses valeurs, elle n’hésitait pas à tenir un discours de vérité à ses élèves, lorsque elle savait que leur désir se heurterait à la réalité. Même si ces orientations pouvaient sembler dures au premier abord, elles étaient parfaitement justifiées, et étaient motivées en définitive par l’intérêt profond de l’élève. Inversement, elle n’hésitait pas à encourager ceux qui avaient les capacités et la volonté de réussir dans la profession, et savait à ce moment les orienter avec intelligence et générosité.

Cette maîtrise pédagogique et cette profonde intuition lui avaient non seulement permis de former un certain nombre de professionnels, mais également de donner à la classe de guitare une image de rigueur et d’exigence, confortant la place de la guitare au sein du conservatoire du Mans (lire à ce sujet le témoignage de M. Thauré en bas de cet article).

Brigitte était par ailleurs une musicienne complète qui aimait se rendre à toutes sortes de concerts, de styles et d’esthétiques variés. Ses collègues du conservatoire avaient souvent le plaisir de la voir venir les écouter lors de leurs prestations.

Elle était venue assister au récital d’Arnaud Dumond, lors du festival de guitare du Mans « destination guitare », en 2011. La rencontre s’était poursuivie dans une brasserie jusque tard, dans une ambiance chaleureuse. Je garde de cette soirée un merveilleux souvenir.

Brigitte, avec Arnaud Dumond et Anthony chudeau, en novembre 2011

Brigitte, avec Arnaud Dumond et Anthony Chudeau, en novembre 2011

J’ai eu la chance de pouvoir conduire avec elle un projet de rencontre entre nos classes respectives en 2013, dont je garde également un excellent souvenir. Nous avons fait se rencontrer nos élèves, comme nos ensembles respectifs, avec un bénéfice pédagogique très intéressant. Une trace de cette rencontre figure encore sur le net.

Brigitte Palisson dirigeant son ensemble

Brigitte Palisson dirigeant son ensemble lors du concert final

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Brigitte Palisson en répétition à Allonnes en mai 2013

La disparition de Brigitte aura touché bien sûr tous ceux qui l’ont connue. Mais aujourd’hui, pour ma part, c’est sans tristesse que je me remémore les bons moments passés avec elle, tout en mesurant la chance que j’ai eu de la connaître. Ses valeurs et ses convictions, son talent, sa sensibilité, sa gentillesse, son sourire et sa vérité profonde m’inspireront encore et toujours. Pour tout cela, et bien d’autres choses encore, merci Brigitte !

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Je remercie chaleureusement Jean-François Palisson, son frère, ainsi que la famille Palisson, pour leur soutien à la réalisation de cet article.

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4 réflexions sur “Brigitte Palisson nous a quittés…

  1. Il y a encore deux ans, malgré sa maladie et certainement à cause de sa personnalité hors du commun… J’étais loin de penser que Brigitte disparaitrait aussi soudainement. Je n’ai hélas pas pu accompagner sa famille et ses proches lors de ses obsèques, mais mes regrets et mes sincères condoléances s’unissent à tous ceux qui l’aimaient et savaient apprécier sa personnalité. Merci Mathieu pour cette belle révérence posthume…

  2. Une biographie nécessaire, captivante et fidèle de cette grande dame de la guitare. Traversant les générations de guitaristes qu’elle a formés, la mémoire de son parcours artistique et pédagogique, sans nul doute, lui survivra longtemps.

  3. (un hommage de Jean-Michel Thauré, directeur du Conservatoire du Mans de 1993 à juin 2010, mai 2015)

    Depuis mon recrutement en 1993 j’avais pour mission de faire des propositions d’évolution du Conservatoire dans le cadre d’un budget contraint. Les priorités étaient nombreuses et l’absence de classe de guitare apparaissait comme une anomalie flagrante. La difficulté résidait dans le fait qu’il ne fallait pas, de mon point de vue, de demi-mesure (comme pour le jazz plus tard) mais tout de suite créer une classe à temps complet au grade de professeur. Les conditions furent réunies pour la rentrée scolaire 1999 et les candidatures nombreuses. Le recrutement s’est fait, comme toujours, le CA correspondant acquis, sur la vérité, la sincérité d’un discours, la construction d’un dialogue et donc une confiance possible. Je n’ai pas eu à regretter ce choix.
    Tout de suite, Brigitte, qui avait déjà une expérience significative, savait où elle voulait aller et comment. Elle savait avec quelle exigence elle souhaitait conduire le développement qualitatif de la classe. En écrivant exigence, qualité d’aucuns auront en tête la « sélection » que le nombre de candidats élèves guitaristes permettait. Sans doute mais cette « sélection » ne s’est pas faite sur les critères auxquels on pourrait penser. Brigitte attendait simplement que l’engagement des élèves soit à la mesure de son investissement et ce, quelles que soient les difficultés, l’âge, le parcours antérieur des élèves. Elle était avide d’explorer tout ce qui pouvait encourager les élèves dans ce qu’elle savait être un choix difficile, à contre-courant : cours collectifs, rassemblements, concerts, tournée même, en quatuor, pour les plus grands. Nombreux sont ceux qui peuvent en témoigner.
    Je citerai simplement Olivier dont le parcours, résultat d’un choix personnel fort, avait quelque chose d’atypique. Je me souviens de son audition d’entrée. Brigitte a su accepter, relever le défi de l’accompagner. On pense alors à ceux qui, comme Olivier, Jean-François, Sébastien, sont désormais des instrumentistes professionnels. Je ne voudrais pas que l’on oublie ceux qui auraient pu faire ce choix et en ont fait un autre (Laure-Line, , ). Cela serait encore peu de chose et il convient de saluer le rôle fondamental de Brigitte dans son rapport à tous ces élèves. Le rapport hebdomadaire privilégié, pendant plusieurs années, fait que l’on ne sort pas « indemne » de ce compagnonnage. C’est au contact de Brigitte que chaque élève a grandi, a forgé sa personnalité.
    Car, comme tout instrument, mais peut-être un peu plus, la guitare « résiste ». Elle demande une grande maîtrise de soi, la maîtrise de choses fines : l’écoute, le mouvement. De cette fréquentation de l’infiniment petit le guitariste en déduit pour lui-même une grande sensibilité, souvent intérieure (c’est la position qui le veut ?). Cette dualité entre combat et intimité résume assez bien l’engagement professionnel et personnel qui a été celui de Brigitte.
    On se souviendra encore de son premier concert au Mans (le 6 février 2000 au Musée de Tessé), de sa participation à l’hommage à Maurice Ohana (2002), à l’écriture de son « Quartz-Tango » pour le projet de fin d’année 2006, à sa complicité musicale avec son amie Anne. Car Brigitte savait saisit toutes les occasions de valoriser son instrument, de se trouver un espace d’expression, d’aller à la rencontre de collègues. Elle enviait ceux qui pouvaient se retrouver dans des projets d’orchestre ou de musique de chambre et était une des plus assidues à leurs concerts.
    Alors, nos accrochages parfois, surtout les quelques dernières années, sont peu de choses devant l’héritage laissé par ces années d’enseignement. Onze années d’une aventure partagée et fondée, je crois pouvoir dire, par une grande estime réciproque. Merci Brigitte (qui restera le premier professeur, et quel professeur, de la classe de guitare du Conservatoire).

    Jean-Michel Thauré

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