Main humaine en extension
Chacun s’accorde à reconnaître que la main humaine est un outil extraordinaire. Fruit d’une évolution de plusieurs millions d’années, seule la main de l’homme (ainsi que celle de certains grands singes) permet la grande opposition : l’opposition du pouce avec chacun des doigts.
Cette plasticité lui a permis de développer d’autres outils mais aussi des armes, de s’imposer dans la nature parmi d’autres espèces, et en fin de compte de créer des instruments de musique pour en jouer !
La main de l’homme a plusieurs fonctions dont la plus évidente est la préhension. C’est sans doute la raison pour laquelle les muscles qui assurent la prise sont plus puissants mais aussi plus différenciés que ceux qui assurent l’extension. Pour la flexion des doigts, il existe en effet une musculature intrinsèque, située dans les doigts, et une musculature extrinsèque, située dans l’avant-bras. Ces muscles fonctionnent en synergie, pouvant assurer beaucoup de force au mouvement de flexion. L’extension des doigts utilise presque exclusivement la musculature extrinsèque, et elle est moins puissante que la flexion. C’est un peu le syndrome du crocodile, capable de fermer la machoire avec une pression énorme, mais ayant peu de force pour l’ouvrir.
Cela n’est pas sans conséquence lorsque l’on aborde l’étude d’un instrument de musique. En effet, le jeu instrumental risque de renforcer cette tendance naturelle à la prédominance de la flexion des doigts, dans un contexte d’hyper-utilisation.
Singulièrement, le guitariste est plus fragile de ce point de vue que la majorité des instrumentistes. Le pianiste devra relever volontairement le doigt après avoir frappé la touche, au risque de laisser le son durer. Le trompettiste fera de même sur le piston pour changer de note. Le percussionniste enfin se servira du rebond sur la peau pour relever la main ou le doigt avec vélocité.
Le guitariste quant à lui court le risque de travailler avec une action excessive des fléchisseurs de la main droite, car plusieurs facteurs peuvent être de nature à encourager ce phénomène :
- une volonté de projeter le son au maximum, la guitare produisant des sons insuffisamment forts à son goût, au risque de jouer en force,
- une position du poignet souvent trop fléchie, qui oblige les fléchisseurs à forcer pour lutter contre l’effet ténodèse, ce phénomène étant accentué lorsque la guitariste attaque « à droite »,
- un excès de contrôle visuel au détriment du contrôle sensoriel (tic du guitariste hypnotisé par son manche), qui détourne le guitariste des signaux d’alerte
- le fait qu’une fois la corde pincée, il n’y a pas dans les traits lents de nécessité absolue pour le doigt – contrairement à d’autres instruments – de revenir dans la position initiale, ce qui autorise les muscles fléchisseurs à conserver une tension résiduelle aussi néfaste qu’inutile.
- le fait qu’une guitare difficile à jouer pour la main gauche, comme c’est souvent le cas, incitera à appuyer fort les doigts de la main gauche sur la touche, et par effet de symétrie produira inconsciemment un jeu en force à la main droite.
Si un déséquilibre s’installe, le guitariste peut ressentir un problème de précision ou de vélocité, de la fatigue inutile, et dans les cas importants un manque de contrôle partiel ou total sur sa main droite.
C’est la raison pour laquelle le professeur doit être particulièrement vigilant au début de l’apprentissage des jeunes élèves. Il doit notamment s’assurer que la position globale n’est pas néfaste, préservant le poignet droit d’une flexion excessive, mais aussi plus finement contrôler les forces musculaires mises en oeuvre, pérennisant ainsi l’équilibre entre fléchisseurs et extenseurs.
Le guitariste confirmé aura lui tout intérêt à renforcer ses muscles extenseurs par des exercices spécifiques, avec ou sans l’instrument. Il modérera également la tendance naturelle à la flexion si possible dans son jeu, en adoptant une position ergonomique limitant la flexion du poignet, et en évitant la course excessive des doigts dans le sens de la flexion.
Merci pour ces considérations utiles et précieuses car après quarante années de guitare j ai effectivement pris conscience qu’il me fallait ne plus me centrer uniquement sur les muscles fléchisseurs de la main droite, et qu’un travail sur les extenseurs me permettait de corriger une perte de vélocité. Votre article confirme mon hypothèse. Il faudrait qu’il soit davantage diffusé.
Bonsoir, très très bons articles,
Pas facile sans ce type d’aide de s’y retrouver pour bien choisir et bien débuter à la guitare.
Pingback: Technique instrumentale : soignez vos extenseurs ! « Guitare et pédagogie, le blog de Mathieu de Person